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De La Ciotat où les vents nous mèneront...

Voyage sur le Swisscat48 "Pura Vida" avec Chantal et Christian.

Les îles San Blas et le peuple Kuna 1er chapitre

Avant d'aborder notre séjour sur l'archipel de San Blas, il est fondamental de parler du peuple Kuna  qui vit en partie sur ces îles et sur le continent. J'espère ne pas être trop longue dans ces descriptifs mais il me semble que le charme de cet archipel  est en adéquation avec le peuple qui y vit.

Leur territoire est situé le long de la côte nord-est du Panama, dans la mer des Caraïbes, la Comarca "région" des îles San Blas a la particularité d'être le seul territoire du pays exclusivement habité par une population autochtone, les Kunas ou Gunas qui l'appellent aujourd'hui  "Guna Yala", soit la terre des Gunas.

Ce statut unique est envié de toutes les communautés autochtones d'Amérique latine, du Mexique à la Terre de Feu, en passant par la cordillère des Andes et la jungle de l'Amazonie.

Le territoire Kuna Yala compte pas moins de 350 kilomètres de côtes et environ 2300 kilomètres carrés sur lesquelles se dresse 365 environ d'îles ou îlots de toutes tailles. A peine 60 îles sont habitées en considérant que le réchauffement climatique risque au cours de notre siècle de menacer de submersion ces îles dont l'altitude s'élève rarement au-dessus d'un mètre. Peut-être que quelques 50 000 Kunas devront se reloger dans les décennies à venir. C'est triste.

Les kunas font perdurer et respecter les valeurs essentielles de la culture traditionnelle qui sont intimement liées à des croyances considérant que la nature est animée et que chaque chose y est gouvernée par une entité spirituelle.  Ils ont par exemple un respect de la Terre la considérant comme leur mère et aussi les plantes, les arbres et animaux comme leurs frères.

Mais les nouvelles générations vont elles garder ces croyances en fréquentant de plus en plus la société moderne ? Question ou affirmation ?

 

Géographiquement, Gaigirgordup, anciennement El Porvenir est considérée comme la capitale de la région.

 

Pour la petite histoire :

Le peuple Kunas est originaire des Mayas, métissés aux indiens d'Amazonie. 

Les premiers vestiges des Indiens Kunas ont été retrouvés dans le Darién, au sein même de la jungle entre le Panama et la Colombie, et datent de 500 avant JC.

En 1492, les Espagnols découvrent le Panama. Après des siècles de troubles, les Espagnols signent un traité de paix, abandonnant la Cordillère aux Kunas en 1787.  "La cordillère de San Blas est une chaîne de montagnes du nord-est du Panama qui s'étend sur toute la province de Panama et la comarque Kuna Yala".

Puis Panama, province colombienne, déclare aussi son indépendance vis-à-vis de l'Espagne en 1821.

A partir de cette période, les indiens Kunas commencent à s'établir sur la zone côtière des Caraïbes aux pieds de la cordillère et prennent le contrôle des quelques 360  îlots inhabités jusqu'alors.

En 1903, Panama prend son indépendance vis-à-vis de la Colombie tandis que les indiens Kunas lui restent fidèles, et c'est le début d'un interminable conflit où les Kunas connurent une longue série de vexations, notamment à partir de 1915 avec la nomination d'un gouverneur du territoire qui impose une réglementation trop sévère pour la pêche et la culture, interdit le port du costume traditionnel et oblige la scolarité des enfants en langue espagnole. Mais c'est en 1923, lorsque des fonctionnaires et policiers, envoyés dans les îles pour administrer le territoire, se permettent les pires exactions (viols, assassinats, répression) que naît véritablement une résistance organisée des indiens Kunas.

Février 1925, les Kunas proclament la république de Tule "Kunas" : Cela ne s'est pas fait sans violence de part et d'autre. Panama City s'apprête à envoyer ses troupes mais les Kunas demandent une médiation des Américains (des états unis on veut dire) présents via le navire US Cleveland qui sillonnait les eaux voisines. Le navire intercepte les troupes panaméennes et oblige les deux parties à la négociation. 

Finalement, les Kunas renoncent à leur déclaration d'indépendance et Panama reconnaît une large autonomie aux Amérindiens. Ce n'est qu'en 1930 que le parlement entérine officiellement l'accord et en 1953 que Panama donne l'autonomie sous forme de "comarca" (territoire) aux indiens Kunas. Depuis 1976, les Kunas sont représentés par trois députés à l'assemblée nationale panaméenne.

La Comarca Kuna Yala bénéficie aujourd'hui d'une certaine autonomie sur son territoire, avec ses propres lois et son Congrès Général.

Le drapeau de la révolution du peuple Kuna adopté en 1925.

 

Je vous rassure, rien à voir avec la croix gammée nazie par rapport au svastika aztèque ou hindou. 

 

 

drapeau de la Comarca de Guna Yala

Pour la petite anecdote :

Le peuple Kuna est depuis toujours un peuple guerrier où le rôle de la femme a une grande importance. On retrouve dans les légendes Kunas transmises oralement de génération en génération des exemples de révoltes Kunas face aux colonisateurs. Par exemple, le leader du groupe était une femme qui s'appelait Narascunial, la première femme qui s'est affrontée aux Espagnols. 

La communauté était pétrifiée de les voir tuer sans merci. Cette femme d'un courage exceptionnel, accompagnée de sa fille, s'est rendue dans la jungle pour affronter les colonisateurs. Dans la nuit, elles ont mis en place leur stratégie. Narascunial était très belle, avec de longs cheveux jusqu'aux pieds. Lorsque les colons arrivèrent, elle se déshabilla entièrement. Ceux-ci, impressionnés par sa beauté, se rapprochèrent et tombèrent dans le piège qu'elles avaient fabriqué avec des herbes pendant la nuit. De retour dans sa communauté, elle accusa les hommes d'être des lâches et les somma de réagir pour se défendre ".

C'est mon moment féministe ! 🤣😅

De nos jours :

Contrairement à d'autres peuples, les Kunas ont assimilé beaucoup d'autres cultures.

"Nous avons des relations commerciales avec la Colombie. Nous n'avons pas oublié l'aide américaine lors de la révolution de 1925. Nous avons également eu des relations commerciales avec les français et les hollandais. Nous sommes très ouverts culturellement. " explique une étudiante Kuna....

Les Kunas ont adopté de nombreux aspects du monde extérieur et les ont adaptés à leurs besoins. Depuis longtemps ce peuple a l'habitude de voyager par bateau pour découvrir de nouveaux horizons. Beaucoup travaillent aujourd'hui pour des entreprises Américaines ainsi que beaucoup de jeunes Kunas suivent des études dans les universités à Panama City.

Cependant, malgré la colonisation espagnole, les colons français, la construction du Canal de Panama, les colons britanniques et leurs multiples comptoirs sur l’océan Pacifique et dans les Caraïbes, rien n’a eu la moindre influence sur leur matrice socioculturelle propre. Ouverts et tranquilles, ils savent s’adapter aux codes de notre société lorsqu’ils sont en dehors de la Comarca.

Par contre, sur leurs îles, ils suivent leurs traditions et rites. Il y a une tribu par île avec un chef à sa tête, le « cacique ». Il est le porte-parole ainsi que le garant du respect des droits collectifs et de l’indépendance politique et économique de l’île face à la République de Panama. Au sein de la communauté, il rend la justice, règle les différends.

 

Un petit passage sur la tenue vestimentaire des kunas.

Les hommes Kunas s'habillent plutôt de T-shirts et pantalons classiques. Cependant, à l'occasion des fêtes ou réunions, certains portent encore un costume plus cérémonial et se coiffent d'un feutre sombre.

Quant aux femmes, beaucoup d'entre elles arborent chaque jour la tenue vestimentaire traditionnelle que nous trouvons très féminines.  Elle se compose d’une blouse aux manches courtes et bouffantes, coupée dans un tissu imprimé très coloré, dans laquelle, devant et derrière, sont intégrées les Molas.

Le Mola signifie le plumage de l'oiseau. Les molas proviennent d'une vieille tradition des femmes Kunas qui peignaient leur corps avec des figures géométriques, en utilisant des couleurs naturelles ; plus tard, ces mêmes figures géométriques ont été tressées dans du coton. 

La jupe mi-longue, le saboured, est un simple carré de tissu enroulé autour de la taille, de couleur plus discrète, vert ou bleu foncés avec quelques motifs simples. Elles se parent de bracelets multicolores appelés Winnis sur toute la longueur de leurs bras et de leurs jambes. Selon leur croyance, ces bracelets les protègent des mauvais esprits. Elles ont généralement les narines transpercées par un anneau d'or et tracent sur leur front une petite ligne verticale avec une peinture noire à base de Jagua, fruit de palmier.

 

En ce qui concerne à la fois les structures sociales et la culture, le système Kuna répond à son organisation ancestrale et ses lois avant la loi panaméenne.

 

Sur leurs îles, ils suivent leurs traditions et rites. Il y a une tribu par île avec un chef à sa tête, le « cacique ». Il est le porte-parole ainsi que le garant du respect des droits collectifs et de l’indépendance politique et économique de l’île face à la République de Panama. Au sein de la communauté, il rend la justice, règle les différends

Au niveau de la famille, l'organisation est encore matriarcale.

Cette forme tribale communautaire freine toute velléité individuelle de capitalise ou d'enrichissement personnel.

Les femmes de Kuna Yala jouissent d'un statut élevé. Avant un mariage traditionnel, c'est le futur marié qui est enlevé et qui doit être retrouvé par sa fiancée et lorsque l'union est célébrée, c'est également lui qui emménage dans la maison de la mariée. Dés lors, c'est la famille de sa femme qui supervise ses activités et décide par exemple avec qui il peut partager le poisson qu'il pêche ou les fruits qu'il cultive.

Pas mal comme tradition ! 😏

 

 

Comment vit le peuple Kuna sur les îles San Blas ?

Les hommes s'occupent des cocoteraies, la récolte des noix de coco étant la seule activité agricole pratiquée sur la plupart des îles. Encore que nous avons rencontré des familles Kunas qui cultivent des potirons, légumes et autres mais c'est tout de même rare car il faut de l'eau ce qui est une des premières préoccupations des Kunas. 

Ensuite ces noix de coco sont vendues à des marchands colombiens qui sillonnent les îles. Quant aux fruits et légumes, des lanchas ou grandes pirogues venant du continent Guna Yala approvisionnent les îles ainsi que nous, touristes 😏.

Il est vrai que sur la partie continentale de Guna Yala, les agriculteurs cultivent tant pour la communauté que pour la vente dans le reste du pays. Reconnus pour leur culture de la noix de coco, de la banane plantain et du citron vert, ils développent leur production avec l'igname et l'avocat. Ils cultivent aussi du cacao et ont quelques plantations d'ananas.

L'après-midi est plutôt consacrée à la pêche, activité principale pour les hommes. 

Ils pêchent avec les Cayuco, sorte de pirogue taillées dans un seul tronc de bois dur. Le travail est confié à un charpentier spécialisé. Les parties intérieures et surtout la proue seront décorées de beaux motifs colorés. Il reste un symbole de la vie quotidienne des Kunas.

Ils fabriquent aussi des pirogues bien plus étroites et parfois même instables que nous avons pu observer mais qui sont maniées avec dextérité par les pêcheurs. Quand bien même ils tombent à l'eau ou bien ils écopent souvent le fond de l'embarcation, cela ne les perturbent pas plus que ça.😜

 

Certains enfants sont aussi de vaillants rameurs sur des canoés ou autres et parcourent de longue distance. Ce qui nous paraît improbable dans notre système.

Ce jeune garçon souriant vient de bénéficier d'une ancienne rame de canoé que nous avions en trop. Il était tout heureux de cette acquisition ! Et le petit derrière n'avait pas plus de deux ans...Enfin je crois !

Mais les hommes sont aussi des navigateurs qui ont le vent en poupe. Bientôt le foil !

 

 

Les femmes ont la charge de la cuisine, de l'entretien de la maison et de la confection de molas.

L'habitation traditionnelle sur les îles San Blas comporte presque toujours trois huttes disposées autour d'un patio.

Si l'habitation est en bord de mer, l'ensemble est complété par un petit ponton de bois.

La grande hutte "nega tummad" sert à la fois de salle de séjour et de dortoir avec ses hamacs, où le textile est soigneusement étendu sur des étendages en hauteur évitant soigneusement le sol en terre régulièrement balayé.

La hutte moyenne, c'est soogaya, la cuisine. Le foyer est à même le sol, cinq grosses bûches disposées en étoile se consument à longueur de journées.

Il est surmonté soit d'un gros faitout où mijote durant des heures le dule masi traditionnel, préparé à base de yucca "manioc", de bananes plantains et de riz blanc ou rouge mélangé avec de la noix de coco râpée, le tout accompagné par du poisson grillé ou bouilli, soit d'une claie où se fume la pêche du jour.

 

Mola représentant une femme Kuna dans sa cuisine

 

Puis un peu à l'écart, se trouve la hutte des douches, le lavoir et les toilettes. 

Ils creusent aussi des puits et l'eau de mer, filtrée par le sable leur donne une eau dessalée qu'ils utilisent pour la toilette et la cuisine. C'est une vie sobre, simple et minimaliste qui leur convient. 

 

Toutes les îles sont magnifiquement entretenues par les Kunas. Les plages et les environs des habitations sont souvent ratissées.

Cependant, tous les côtés au vent sont souillées par d'innombrables bouteilles et plastiques. Les kunas font souvent des feux de bois pour brûler les déchets domestiques, culinaires, etc...Mais beaucoup de plastique, bouteille, aluminium etc....ne sont pas toujours ramassés faute d'un système d'enlèvement quotidien.

L'augmentation du nombre de touristes et l'absence de systèmes de collecte des déchets commencent à poser des problèmes. Les Kunas amassent sur une partie de leurs îles les déchets et quelques jours par mois, ils les évacuent ce qui n'est pas simple sur les îles.

Par ailleurs, les fonds marins sont de moins en moins épargnés. 

 

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce peuple étonnant notamment sur leur histoire, leur culture, leur gestion des îles et d'une partie du continent panaméen car c'est tout de même un privilège que de le rencontrer dans ces îles paradisiaques. Des villages de pêcheurs ou simplement une famille installée sur une île. Maintenant l'aventure commence, passons à notre arrivée sur El Porvenir, battement de tambour !

Le 13 décembre 2022, nous partons tous les deux pour les San Blas, direction El Porvenir, escale à l'entrée des San Blas, afin de payer le permis de naviguer sur ce territoire.

Nous mouillons dans  l'après-midi pas loin du débarcadère d'El Porvenir. A peine mouillé, quelle fût notre surprise de voir arriver comme des nuées de papillons colorés des femmes Kunas dans leurs pirogues qui abordent allègrement Puravida pour nous vendre des molas, bijoux etc....On ne sait plus où donner de la tête.😅

 

 

Bon, on achète un mola et ce n'est sans doute pas le plus joli. Le temps nous apportera l'expérience 🤣Nous remarquons tout de même de très jolies jeunes femmes Kunas surtout chez les jeunes, elles sont belles et souriantes ! 💚

Le lendemain, Christian va régler les taxes puis surtout profiter d'une petite télévision mise à disposition dans le bar d'El Porvenir pour regarder le match de demi final France - Maroc. Une ambiance de folie !

Je l'attends pour visiter ensemble cette petite île dotée d'un aérodrome avec une piste d'atterrissage surréaliste posée sur un îlot pratiquement plus petit que la piste elle-même. Mais, rassurant pour les quelques habitants de ce lieu, très peu d'atterrissage a lieu sur cet aérodrome si ce n'est des petits avions privés.

Très joli endroit bien sympathique !

El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir
El Porvenir

El Porvenir

Pour finir ce premier chapitre concernant le peuple kuna, une poésie  qui s'intitule la chanson de ma mère par Artibel Igar Mendoza.

Ma mère, vêtue de fine mola,
et le hamac berçant un nouveau-né ;
« Quand tu seras grand, tu iras avec ton papa – chante ma mère –
labourer la terre et semer la noix de coco et le maïs… »
La chanson de ma mère et le cliquetis des maracas.
Ainsi tisse ma mère, de ses mains édifiantes
Le monde des hommes et des femmes de demain.
Je suis enveloppé dans les rêves de la mélodie de la hutte,
et je rêve au manioc, aux poissons…
de cette strate de la vie je me suis alimenté,
pain et amours d'une aurore nouvelle.
La voix de ma mère est la main
du grand-père Antonio, sculpteur de dieux :
son murmure me sculpta jour après jour,
nuit et jour.

 

Ainsi s'achèvent ces quelques descriptions du peuple Kuna. Le prochain chapitre sera consacré à la venue des enfants sur Puravida et du bonheur partagé de naviguer, mouiller et vivre des moments intenses sur les San Blas.

 

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